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Voilà Rosapristina !
25 mars 2014

Pas le jour ....

larmeCe n'était vraiment pas le jour.

Il faisait beau, le soleil lançait ses rayons insolents sur la Terre, il faisait chaud, c'était l'été. L'été que l'on avait attendu depuis si longtemps et qui s'offrait enfin aux teints blafards et aux esprits épuisés d'obscurité.

Ce n'était pas le jour, c'était un mercredi, milieu de semaine, jour de mercure, le thermomètre s'affolait et pourtant dans quelques heures, elle serait froide.

C'était une belle journée, une charnière dans l'été et elle venait de franchir la grande porte. En silence.

Une main dans sa main et sceller l'éternité dans un dernier adieu pudique, loin des autres. Se retrouver face à elle, face à celle qui vous avait donné la vie, et lui dire merci. Merci d'avoir fait de moi quelqu'un de bien, merci de m'avoir donné la vie.

 Se plonger dans ce qui restait de bleu, et y retrouver le mystère de sa naissance. Poursuivre sa vie avec le don qu'elle nous avait fait.

Elle s'en était allée sans le savoir, ivre d'un cocktail sédatif, en silence. La mort emportait avec elle ses secrets et ses dernières pensées . La mort était mystérieuse, depuis la nuit des temps.

 Ce n'était pas un jour pour mourir et pourtant c'est ce qu'elle fit, ce jour-là, ce beau jour d'été, elle s'en alla, laissant sa famille orpheline, mais riche d'elle-même.  Ce n'était pas un jour pour mourir car demain serait un autre jour, le soleil darderait toujours ses rayons insolents, la Terre continuerait à tourner. Sans elle.

 Pas le jour..

La peur, la douleur, la passion, la révolte, l'amour, la peine, les déceptions, les joies aussi. Il savait déjà tout de la vie et de ses vicissitudes, des hommes et de leurs turpitudes, du haut de ses dix-sept ans, il était épuisé d'avoir trop vécu. L'étau de douleur comprimait sa poitrine, il devenait fou de douleur.

Ce n'était vraiment pas le jour, le pâle matin de septembre s'animait sous les feuilles ocres, un joli mélange de pluie et de soleil, d'ombre et de lumière dans le ciel, et alors ? Celui-ci restait noir. Absence d'horizon. Ce n'était vraiment pas le jour, il n'en pouvait plus de la tiédeur, des à-peu-près du quotidien, des pourquoi, chercher du sens, à dix-sept ans on se prenait tout en pleine figure, et on n'avait pas la force de faire quelques pas en arrière, prendre du recul et réfléchir à toute les claques que la vie infligeait. Il n'avait pas choisi sa vie, il pourrait choisir sa mort. Une violence inouïe, la folie du courage pour appuyer sur la gâchette. Et pourtant ce n'était pas le jour pour mourir, il faisait beau, l'équinoxe rappelait la nature à l'ordre, ce n'était pas le jour pour me laisser seule, avec le monde à porter sur mes épaules. Je venais de prendre cent ans en pleine figure, à l'orée de ma vie d'adulte. Les feuilles se ramassaient à la pelle et le vent soufflait dans les branches nues.

 C'était un jeudi .Ce n'était pas le jour pour mourir et pourtant, le vent continuerait de souffler dans les branches, les feuilles de virevolter dans les airs, les hommes d'avancer dans la vie malgré les turpitudes. Sans lui.

 Ce n'était pas le jour.

 De la neige partout. Les maisons recouvertes des frimas d'hiver annonçaient le recueillement dans les foyers et la convivialité autour d'un bon repas.

 Ce n'était pas le jour, c'était la nuit la plus longue, allez, on allait bien célébrer la nouvelle annéee, non mais ! Un petit tour à la cave,il n'en avait que pour une minute, ils pouvaient bien attendre ! Mais le pied glissa et la tête cogna sèchement sur le marbre. Ce n'était vraiment pas le jour, tout le monde s'apprêtait à faire la fête, à s'embrasser sous le gui, à se souhaiter bonheur joie et santé pour la nouvelle année. Bonne année, bonne santé, et sincères condoléances.

Ce n'était vraiment pas le jour.

 Cette nuit de mars, le téléphone avait  sonné, les messages vibré, mais ce n'était pas la nuit pour se réveiller. Au lever le nombre d'appels manqués et de messages qui disaient laconiquement de rappeler dès que possible, laissaient présager ce qu'on ne veut jamais envisager. Ce que l'on repousse tous les jours.

 Ce n'était pas la nuit, encore moins le jour. L'inexorable était arrivé. Ne pas y penser n'empêchait pas la mort d'arriver.

 On se retrouvait seul d'un coup, comme un con, avec la mort dans les bras, à ne pas savoir qu'en faire. Sans vraiment réaliser ce qui arrivait, percevoir confusément ou avec éclat la douleur et la compassion des autres, les mots trop convenus de l'entourage dans ces cas-là. En pilotage automatique, tout à sa tâche de vivant, comment faire pour intégrer ce décès dans la mécanique du quotidien ? Ça tombait vraiment mal. Ce n'était pas le jour pour mourir. Aux vivants d'avancer, avec ce mort sur les bras.

 Notre père qui es aux cieux, est-ce que moi aussi je deviendrai vieux ? Trouverai-je la force d'avancer, maintenant que nous ne sommes plus deux ? Si ça se trouve je suis toi et tu continues à vivre en moi ....

 Je veux bien essayer, et faire ce que je peux, le ciel, lui fait bien des efforts pour rester bleu...

 Printemps, été, automne, hiver, pour la mort, pas de saison, ni de jour. Ce n'était ni le jour, ni la nuit, pas le temps, pas le temps !

 Ce n'était pas le jour et pourtant tout allait continuer, sans elle,sans lui, sans eux, les jours, les nuits se succéderaient et lessiveraient les souvenirs et les personnes.

 Ce n'était pas le jour....

Impalpable...

 Ce n'est jamais le jour, tant pis ou tant mieux.

 La terre continuera de touner, le soleil de se lever, les oiseaux de chanter, les marées d'onduler...

 Justement.

 Pour la mort on est les champions de la procrastination.

 Je mourrai mais demain si vous voulez bien, là, j'ai autre chose à faire.

 

 

 

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