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Voilà Rosapristina !
15 mars 2016

Le roi soleil

Un sujet qui revient régulièrement ici parce qu'il me tient à coeur et par le biais de ce blog je veux aussi m'engager contre ce fléau. Voici une petite devinette:

Violencesconjugales

Quelle différence y-a-t-il entre :

1. Il me regarda et PAF ! me gifla.

Et:

2.  Je l'ai attendu ce soir là comme les autres soirs. Quand il rentrait à la maison, j'avais un mélange d'appréhension et de soulagement. Je ne savais pas à quoi m'attendre, mais il donnait une raison à ma présence ici. Je n'étais plus seule et lui était content de me retrouver, après une longue journée de travail, me disait-il. Le repos du guerrier, dans les bras de quelqu'un qu'il aimait si fort et à qui il pouvait parler, pas comme tous ces abrutis qui ne comprenaient rien à la vie et encore moins à sa propre vie. Moi au moins je l'écoutais, qu'il me disait. Bien sûr il n'y avait pas de place dans son temps précieux pour m'écouter, alors il parlait, parlait de lui, de sa vie de ses projets, lui lui lui, et lui, sa vie sans moi. Jamais il ne me demandait comment j'allais, et de toute façon, pourquoi parler de moi, ma vie n'était pas des plus passionnantes, je ne voyais pas grand monde, et puis mes journées se suivaient et se ressemblaient cruellement. Le bureau, les courses, le pain, les papiers, le repassage, parfois les vitres, le parquet, et un gâteau pour le dessert. Il me demandait rapidement comment s'était passée la journée et quand je voulais lui répondre et développer un peu, il recentrait très vite la discussion sur lui. Le soleil devait rester au centre de l'univers, n'en déplaise à Copernic. Tout sujet convergeait vers lui, un collègue prenant, le boss qui ne comprenait rien, etc, etc. Puis il allait se laver les mains et revenait à la charge, avec sa sempiternelle question : que nous as-tu préparé de bon ce soir ? Il négligeait ma journée de travail car pour lui sûrement que cela n'en était pas vraiment une, j'avais un "gentil boulot" comme il disait, et courir entre l'école, les lessives, les courses, le docteur pour les petits, toutes ces petites choses insignifiantes en apparence mais bien chronophages, non, ce n'était apparemment pas du travail. Savoir si oui ou non, j'étais fatiguée importait peu, et ce qu'il avait dans l'assiette le rassurait sur mon moral. Il se plaignait des plats tous prêts, trop salés, je n'allais tout de même pas l'empoisonner, c'était bien connu, le fait maison était mille fois meilleur, et pour la santé et pour le porte-monnaie !  Et puis mince alors, je devais avoir le temps de tout cuisiner, ce n'était pas sorcier tout de même !

As-tu été contrariée aujourd'hui pour que ton curry soit aussi fort, plaisantait-il. Je ne voulais pas en rajouter, il avait lui-même assez de soucis, et puis il me le disait bien assez souvent, mon travail, ce n'était pas vraiment un travail.  Je pouvais donc faire un peu plus attention, non ? Insidieusement la toile se tissait autour de moi. Que je travaille comme ça pour me changer les idées oui ! Que je contribue ainsi aux besoins du ménage, oui ! Pas trop cependant , ce qui ne risquait pas d'arriver puisque mon ascension professionnelle se trouvait freinée par les obligations familiales. Mais ne surtout pas oublier que ma priorité devait être lui et uniquement lui ! Derrière chaque grand homme il y avait une femme, disait-on ! Je me devais d'être celle qui l'aiderait à s'épanouir et à montrer aux autres quel conquérant il était. Oui, en un mot, même si en mon for intérieur je l'aurais bien écrit en deux mots. Il partait à la chasse, ramenait le gibier et moi je faisais la popotte, je m'occupais des gosses. Oh je pouvais bosser aussi, mais de toute façon je ne pourrais pas gagner autant que lui, ce serait un travail "gentil", histoire de m'occuper ! Non seulement les conditions salariales étaient moindre, le plafond de verre bien présent, mais en plus quand vous avez un conjoint ( oui je me suis encore retenue de l'écrire en deux mots) qui fait semblant de vous encourager c'est d'autant plus vicieux, parce qu'il cherche à garder la main mise sur vous.

Après le repas, il prenait un café, même le soir, ce qui ne l'empêchait pas de dormir, et si j'avais le malheur de lui faire une petite réflexion, il me remballait. Certes, je n'étais pas sa mère; que je m'occupe de mes affaires ! Je lui apportais son café.  Et ce n'était pas la bonne marque.  Alors il protesta à grands cris, les insultes fusaient. Les larmes brouillaient ma vue dans la cuisine la vaisselle disparaissait, je me taisais comprenez-vous, je l'aime, je n'allais pas faire des caprices en plus ! Une autre fois c'était une chemise mal repassée qui me valut la remarque  grinçante: ma chérie tu as oublié le  col tu feras attention la prochaine fois, virgule, n'est-ce pas, pour bien me faire sentir la menace. Et j'ai baissé la tête  en signe de soumission.

Bien sûr que je pourrais partir.  Même si je ne gagnais pas grand-chose, je trouverais toujours un moyen de joindre les deux bouts, j'avais confiance en moi, et je m'accrochais d'ailleurs avec toute l'énergie du désespoir, de la solitude ressentie par l'épouse qui est censée être heureuse et entourée, de l'espoir d'une vie meilleure, à la valeur que je pensais réellement avoir, et faire fi du procédé destructeur dans lequel il m'avait embarquée. Il me secouait l'air de rien, allez fais pas la gueule, si je te fais des remarques, c'est pour ton bien, tu sais ? C'est parce que je tiens à toi !  J'avais peur de lui, il m'arrivait même de redouter ses élans d'affection et si je me montrais rétive, il s'énervait. Des paroles assasines, l'air de rien, une bousculade, un peu trop forte, un pinçon pour me secouer, une multitude de petits gestes qui ébranlaient l'estime que j'avais de moi.

Il entretenait à mon égard une dépendance affective et destructrice. Je brûlais sous ses feux: il était mon repère et même à travers ses coups, je me sentais exister.  Valait-il mieux ressentir la douleur plutôt que de ne rien sentir du tout ? La peur du châtiment  me dissuadait de partir. il me l'avait dit plusieurs fois, si je le quittais il ferait tout pour me retrouver.

Devant nos amis, il rayonnait et ne tarissait pas d'éloges à mon égard. Quelle chance il avait n'est-ce pas, une femme jolie, intelligente, une bonne mère et épouse, toujours souriante, disponible pour son mari et sa famille ! J'avais le désagréable sentiment d'être un faire-valoir et de n'exister que grâce à lui. Quand je tentais de m'affranchir, j'étais comme une poupée évidée, et je ne savais plus ce que je faisais, là. A quoi donc pouvait se résumer mon existence ? Tout tournait autour de lui, j'attendais et redoutais sa venue, mon avenir s'assombrissait et je devais garder la tête haute en société, j'en venais même à  douter de moi, à voir comment les gens louaient notre couple et le prenait en exemple,  exagérais-je ? Prenais-je tout un  peu trop à coeur ? Comment avais-je pu me laisser éblouir par son éclat ? Je me demandais ce qui m'encombrait le plus, entre les sentiments que je ressentais pour lui, les espoirs irréels, il allait changer, et surtout, surtout, le regard des autres sur nous. Il rayonnait tout allait bien, je n'avais rien, en apparence, mais je me sentais commme une figurine dont l'intérieur avait éclaté en mille morceaux. Ma joie de vivre et ma force vitale s'amenuisaient, et j'éprovais une forme de honte, ce qui m'enfermait encore plus dans l'enfer. Je n'osais en parler, qui m'aurait cru ?

J'étais prisonnière d'une cellule dont j'avais la clé.  Il faisait beau aujourd'hui, le ciel était bleu. Et comme le soleil, j'allais me coucher pour me relever, immuablement et regarder ... le ciel bleu. 

Alors ?

Réponse : Aucune.

Les violences psychologiques  sont d'autant plus pernicieuses qu'elles sont souvent invisibles , et difficilement identifiables, donc plus difficiles à prouver. De plus, ces violences psychologiques ( dénigrement , chantage etc...) affectent durablement la santé de la victime.

Prisonnière d'une cellule dont j'avais la clé ... Pour plus d'info : http://www.stop-violences-femmes.gouv.fr/

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