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Voilà Rosapristina !
23 février 2015

Seule.

Tout était vide autour d'elle mais tout grouillait. Le flot des voitures, les bus remplis comme des oeufs aux heures de pointe, les grands axes pris d'assaut. Tous ces blablas inutiles Bonjour, ça va, oui et toi ? cette mascadrade, jouée de bon gré par tous les comédiens jouant la farce du monde, la dégoûtait par la vacuité qu'elle suscitait et la révoltait car elle devait bien d'admettre, elle y contribuait, comme tout le monde.

Elle avait essayé, bien des fois, de se rendre disponible à la rencontre, et de créer une complicité avec ses amies pour se sentir moins seule. Mais depuis quelques temps, elle avait découvert un sentiment nouveau: la solitude contradictoire. Quand on est avec ses amis et qu'on se sent seul. Elle n'avait jamais pensé que ça pouvait lui arriver, même avec ses proches, mais elle avait dû se rendre à l'évidence:  se sentir seul avec ses amis, c'était comme hurler parmi les sourds, se promener avec des vêtements bariolés dans une foule d'aveugles. La proximité avec les êtres chers rendait l'isolement encore plus blessant, il vous amputait de ce que vous aviez de plus intime. Elle se sentait seule avec ses amis parce qu'elle avait compris que nous voulions toujours trouver un peu de nous-mêmes dans nos amitiés. Nous collions les étiquettes que nous voulions, et cela nous arrangeait bien. Nous étions des insectes  insignifiants qui passaient leur temps à se regarder le nombril, à penser qu'ainsi le monde tournerait plus rond et que bien des malheurs pourraient être évités. Hélas, l'introspection maladive était justement aussi à l'origine de ses malheurs .

Elle se sentait seule quand on la mettait dans une case, étiquetée, pour ne pas tromper les autres sur la marchandise. Chacun jouait un jeu de dupes ainsi, pour améliorer les relations humaines, là où il les compliquait. Mais alors, pourquoi cette auto-résistance? Pourquoi porter la carapace? Ses amis la percevaient telle qu'elle se laissait approcher. Elle s'enfermait sans le vouloir dans un rôle et il était bien difficile d'en sortir. Elle avait réalisé que personne ne la connaîtrait vraiment, qu'elle seule vivrait avec ses parts d'ombre et de lumière, et qu'elle aurait beau les exprimer, ne serait-ce que pour son entourage puisse s'en approcher, il ne ferait que les effleurer et les regarderaient filer au loin, secrets insaisissables dont elle n'aurait laissé s'echapper que des contours indistincts.

Elle était donc seule avec son foutoir, chaos chuchotant ou hurlant dans les moindres recoins de sa tête. Ses inquiétudes, ses douleurs, toutes ses émotions en contraste se cognaient contre les parois de son crâne, et les mouvements d'âme oeuvraient comme une dynamo et l'animait d'une fougue qu'elle voulait retenue mais qui transpirait dans chacun de ses gestes,.

Elle se sentait seule, mais elle n'était pas seule à se sentir seule. Elle percevait dans les regards perdus au loin, derrière les vitres du train, les rêves d'un voyageur qui s'envolaient vers une contrée lointaine. Elle frémissait dans les yeux égarés du passant qui s'isolait de la foule, fixant l'horizon droit devant lui, comme un besoin vital à combler. Il allait, vers où, elle ne put le dire, mais il y avait une telle détermination à se préserver des autres, pour préserver son individualité au détriment du sentiment d'appartenance à une collectivité. Elle se reconnaissait dans chacun de ces êtres solitaires. Seul, vous ne perceviez de vous que des contours, et l'unité de votre être, perdu dans l'espace du monde. Seul, les autres vous paraissaient loin, même quand vous les touchiez, seul, les autres étaient des inconnus, alors que chacun portait en lui des kilos d'humanité. Seul, vous souffriez. Comme les autres.

On avait beau idéaliser les relations, vouloir confier son âme aux mains bienveillantes de l'être aimé, notre vie passait, et nous portions en bandoulière notre solitude, comblée pae nos pensées les plus secrètes, nos seules compagnes fidèles.

 

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